Mieux que la démocratie représentative, la démocratie contributive !
A bas bruit, une nouvelle forme de démocratie émerge en France, fondée sur la contribution collective de bonnes volontés fédérées autour de projets. Enfin une bonne nouvelle.
Quel que soit le ciel où il se trouve, Stéphane Hessel doit jubiler : les Français dorénavant s’indignent à tout va. Il semblerait que plus rien n’aille, que l’Etat soit sourd, le président méprisant, le gouvernement aveugle, l’opposition sub-claquante, les chambres inutiles, les syndicats dépassés. Mais, bonne nouvelle, dans cette indignation « tous azimuts », une pratique politique évite la lapidation générale : la démocratie contributive.
Dans tous les bassins de vie de la République se développe l’engagement bénévole associatif des citoyens. Cette démocratie contributive qui met en synergie, dans chaque micro-territoire de la République, tous les acteurs – publics et privés, collectifs et individuels – concernés par une même problématique critique (décrochage scolaire, dépendance, femmes en difficulté, jeunes en quête d’insertion, accueil de réfugiés, préparation de sortie de personnes sous main de justice, logement pour tous, lutte contre la faim, etc.) constitue sans doute l’innovation politique la plus féconde, la plus porteuse d’espérance et, en France, la source d’optimisme souvent la moins connue et la moins reconnue. Et cela, en faisant en sorte que les bénéficiaires de ces actions en deviennent eux-mêmes les acteurs, favorisant ainsi leur inclusion sociale.
Cette démocratie contributive « sociétale », communément répandue dans les pays anglo-saxons, voire au Québec, ne nous était pas si familière en dépit de l’existence si pratique de l’outil « couteau suisse » de l’Association 1901, plus habituellement utilisé naguère par les chasseurs, les pêcheurs à la ligne, les sportifs, les bridgeurs et, en général, par les sociétaires réunis autour d’un intérêt personnel général commun.
GENEROSITE
Garder cette capacité de générosité qui permet d’innover ensemble pour répondre aux soucis de ceux qui vivent près de nous
Dorénavant, dans une France archipellisée (2), fracturée en communautés adverses et parfois haineuses, éclatée en millions d’individus « poissons rouges » (3), on pourrait craindre que le chacun pour soi l’emporte définitivement sur la conscience d’une responsabilité collective vis-à-vis de concitoyens en difficulté. Comme le montre l’étude Ifop-France Bénévolat-Crédit Mutuel de mai dernier (ou celle publiée en octobre 2018 par le Laboratoire de management de l’Université Nantes Atlantique sous la direction de Lionel Prouteau), c’est l’inverse qui se produit. Jamais les problèmes de société, peu, mal ou pas résolus par l’Etat et son administration, n’ont été à ce point pris en charge, dans chaque bassin de vie, la plupart du temps sur une base associative, par des citoyens bénévoles, soucieux de ne pas laisser leurs concitoyens en difficulté ou en fragilité, sans solution adaptée et pérenne. Avec de 15 à 20 millions de bénévoles engagés dans cette nouvelle forme de citoyenneté active, on peut considérer que la démocratie contributive est en train de prendre le relai d’autres pans de la démocratie, quant à eux quelque peu malades.
Conscients des métamorphoses géopolitiques, technologiques, économiques, sociétales et écologiques actuellement à l’œuvre, on peut lister cinq domaines privilégiés dans lesquels cette démocratie contributive réussit efficacement en France à mobiliser des citoyens soucieux d’apporter des réponses positives, là où ils vivent, à ceux qui en ont besoin. Il s’agit prioritairement du champ de l’éducation, de l’entreprise, du monde associatif, de tous les espaces d’exclusion et, bien sûr, du considérable domaine de l’environnement.
Cette énumération rappelle cette Venise du QUATTROCENTO qui sut être pendant près de cent ans le phare du monde connu, en déclenchant, via le développement de l’édition, la révolution des idées, celle des échanges, de la science, de l’économie et de la politique grâce à la rencontre féconde de milliers d’hommes libres tels qu’Erasme.
Ce retour d’une démocratie contributive, hyper-vivante et partagée, ne pourrait-elle annoncer l’avènement d’une France « vénitienne », où, par-delà nos inévitables clivages – heureusement nous ne sommes pas Chinois, assujettis à une pensée unique en vue de recevoir de l’Etat bons points et témoignages de satisfaction -, nous garderions cette capacité de générosité qui permet d’innover ensemble pour répondre aux soucis de ceux qui vivent près de nous ? En fait, c’est ça le cœur de la République.
Publié le 12/07/2019 par Hervé Sérieyx (1) dans le journal MARIANNE
1 Co-auteur avec André-Yves Portnoff de « Alarme, citoyens !, Sinon, aux larmes ! » (exergue d’Edgar Morin), EMS ; mai 2019
2 L’archipel français ; Jérôme Fourquet ; Seuil ; 2019
3 La civilisation poissons rouges ;Bruno Panino ; Grasset ; 2019
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https://www.marianne.net/debattons/billets/mieux-que-la-democratie-representative-la-democratie-contributive
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